Peintures

On me chuchote parfois à l’oreille: « Alexis, ah! si tu agrandissais tes formats…« 

Chez moi, mes seuls spectateurs sont mouches, moustiques. Et il ne me donnent pas l’impression de se plaindre du rôle monumental de mon oeuvre.

Dès que la plume crisse sur le papier, je m’évade dans un autre monde où le temps n’a plus sa raison d’être.

J’adore travailler à l’échelle de la main, faire surgir le détail infiniment petit que je suis le seul à voir.

En vrille discontinue, en transit, ou autiste, la ligne glisse sur le papier, prend le chemin de traverse, puis la trace devient forme. Alors le dessin pique sa colère et tire sa révérence.

Une oeuvre ne demande pas forcément à être regardée. J’aime qu’elle soit préservée de la lumière, rangée dans une enveloppe ou oubliée dans un livre, avec la surprise de la découverte.

Miche Sarre – juillet 2003

Il disait de sa peinture qu’elle le reposait de l’état de tension extrême dans le quel le plongeait l’exercice de la gravure. De la gravure au tableau, son engagement reste pourtant le même, intense, violent, total. Un combat sans merci, toutes armes dehors, sur tous les fronts à la fois, où chaque coup de plume, chaque déploiement de couleur épuise la totalité de ses ressources, dans un enchaînement semblable à celui d’une tauromachie accomplie, jusqu’à ce point de non-retour où l’oeuvre, quand elle l’atteint, s’installe pour l’éternité. Instant suprême où la beauté du geste triomphe du néant. Car de quoi s’agit-il, sinon de donner sens et forme à ce chaos, qui à tout moment s’entrouvre devant nous?

Cette peinture n’est évidemment pas réaliste. Elle est ascèse, chemin de croix, chemin de perfection, aspiration vers la plus haute liberté. Comme un journal, jour après jour, elle consigne une expérience du monde qui s’exprime en des visions d’apocalypses tragiques ou joyeuses selon l’humeur. Inscrites dans des espaces symboliques, merveilleusement articulées entre elles dans un mouvement de systole et de diastole, de contraction et d’expansion, de flux et de reflux dont l’auteur est le coeur, ces visions connaissent parfois le stress des débâcles elle vertige des chutes inexorables, mais aussi la troublante sérénité des corps glissant sur des abîmes aux couleurs inouïes. Les anges et les démons qui les hantes forment une étrange ménagerie de masques, d’animaux fabuleux, de fossiles et d’objets animés, de folles architectures, terriblement humaine. Marqués d’inscriptions naïves dont la beauté graphique contraste avec une orthographe désastreuse, ces ex-votos fêtent l’invention d’un langage et se moquent des règles.

Tant de prodiges et tant de cruauté transfigurée par la grâce de sublimes couleurs a quelque chose de douloureux et de tendre à la fois, d’épique et de jubilatoire comme la vie, telle qu’elle nous apparaît par exemple, dans l’histoire de Notre Seigneur Don Quichotte, dont Alexis partageait la drôlerie et la profonde humanité.

Années 80

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